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30 septembre 2022  Archives des actualités

Brésil

Une élection pour sauver ce qui peut encore l’être

Interview de Laurie Khorchi

Depuis des mois, les sondages donnent la victoire à Lula lors des présidentielles brésiliennes dont le premier tour a lieu ce dimanche 2 octobre.

Laurie Khorchi, chargée de partenariat pour le Brésil chez Entraide et Fraternité, évoque les attentes des partenaires locaux, notamment la Commission pastorale de la Terre (CPT) du Goias.

L’ancien président de gauche (Parti des travailleurs) y sera opposé au président sortant d’extrême droite (Parti libéral) Jair Bolsonaro. Celui-ci a aggravé la situation de son pays dans tous les registres mais a donné pleine satisfaction aux grands lobbys qui le soutenaient déjà voici 4 ans, les fameux « BBB » pour « bœuf-Bible-balles », à savoir les fortunes de l’agrobusiness, les évangélistes et les partisans du port d’armes. L’élection de Bolsonaro était vue comme une catastrophe pour le monde associatif, les paysans sans terre, les syndicats, les communautés indigènes, les défenseurs des droits et de la nature… et la forêt amazonienne.

Toutes les populations défavorisées vont-elles voter pour Lula ou certaines sont-elles encore attirées par Bolsonaro ?

C’est bien le problème : il existe un narratif très efficace matraqué depuis des années et récupéré par les Églises évangéliques et certains catholiques conservateurs. Un discours qui s’adresse aux classes populaires les plus défavorisées sur la question de l’avortement auquel est totalement opposé Bolsonaro. Ils vantent l’idée que Lula autorisera l’avortement. Nos partenaires, quand ils le peuvent, expliquent à ces gens que l’accès à la terre est un sujet bien plus central pour eux et qu’en votant pour Bolsonaro, ils seront encore plus exclus de la société qu’ils ne le sont déjà. Ils essaient d’amener une autre vision de l’Évangile, celle de Laudato Si’ et de la défense de la Maison commune plutôt que celle des discours anti-avortement.

La victoire de Bolsonaro promettait de se transformer en enfer pour les partenaires locaux : cela a-t-il été le cas ?

Oui, par exemple, les syndicats se sont vus retirer tous leurs subsides : ils ne fonctionnent plus qu’avec des moyens propres dérisoires, ils sont devenus inexistants tout simplement alors qu’ils étaient des interlocuteurs privilégiés de nos partenaires. Toutes les autres associations de la société civile ont perdu leurs financements aussi. La plupart des associations sont victimes de sanctions administratives en raison des contrôles exercés sur elles par les autorités, notamment sur leurs rapports financiers. Nos partenaires sont fichés, la police est venue recenser les leaders des mouvements sociaux dans les locaux de la CPT : heureusement, les caméras ont filmé la scène.

Les dégâts sociaux ou environnementaux causés à la société brésilienne par Bolsonaro peuvent-ils vraiment être inversés par une victoire de Lula ?

Nos partenaires nous le disent : ‘On ne pense pas que Lula va changer les choses mais on espère une victoire qui va permettre de respirer à nouveau, de restaurer la démocratie.’ On sait très bien que la première chose que devra faire Lula en arrivant au pouvoir sera de négocier. Négocier avec qui ? Avec les oligarques de l’agrobusiness qui possèdent toutes les terres et ne voient que leurs intérêts. Avec Bolsonaro, ils ont provoqué un tel désastre qu’on ne voit pas ce qui va pouvoir être reconstruit. Le seul espoir est de sauver ce qui peut encore l’être. Mais ce qui a été brûlé le restera, les terres dévorées par l’agrobusiness ne seront pas rendues et le quart de l’Amazonie est détruit de manière irréversible. Lula a un projet de reforestation mais cela ne suffira pas et puis il n’y a pas que l’Amazonie, mais toute une série d’écosystèmes liés à elle comme le Cerrado.





Tags : Brésil

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