Petit État enclavé d’Afrique de l’Est, le Rwanda évoque de plus en plus le symbole de la réussite économique africaine.
Pourtant, si certaines avancées sont indéniables, le Rwanda se classe seulement à la 160e place sur 189 dans le dernier indice de développement humain du Programme des Nations Unies pour le développement. Focus.
Au Rwanda, plus de 40 % de la population (comptant près de 13 millions d’habitant·es) vit encore sous le seuil de pauvreté. Des chiffres en hausse depuis le début de la pandémie de Covid-19 qui aurait plongé plus d’un demi-million de Rwandais et Rwandaises supplé- mentaires dans la pauvreté.
Les femmes sont, comme partout ailleurs, les premières touchées. En particulier dans les campagnes où vit plus de 70 % de la population et où l’agriculture constitue le principal moyen de survie.
Loin des images idylliques véhiculées par le tourisme de luxe qui fait du Rwanda un eldorado pour les touristes, ces chiffres démontrent l’importance de soutenir les Rwandais et Rwandaises dans leur lutte pour une vie décente.
Suite au génocide de 1994, qui a fait au moins 800.000 morts selon l’ONU, beaucoup de femmes se sont retrouvées veuves ou seules car leur mari était emprisonné. Elles ont endossé les rôles jusqu’alors réservés aux hommes, s’extirpant du modèle patriarcal qui les paralysait dans le statut de mère et d’épouse. Leur participation, notamment à la vie économique, a ainsi contribué à la reconstruction du pays.
L’État a adopté dans ce contexte de nombreuses lois visant à poursuivre cette dynamique : la loi sur la propriété foncière oblige depuis 2005 les hommes à partager équitablement leurs terres avec leur épouse, la loi sur l’héritage accorde les mêmes droits aux femmes alors qu’autrefois, seuls les enfants de sexe masculin pouvaient hériter, etc.
Cependant, le poids des traditions prend encore le dessus dans de nombreux endroits du pays, en particulier dans les campagnes. Nombreuses sont les femmes qui se voient refuser l’accès à la gestion de l’argent du ménage, à la terre, à l’éducation, etc. Cette situation plonge les femmes dans la pauvreté et dans l’insécurité alimentaire.
Autonomiser les femmes pour éliminer la faim
Dans toutes les régions du monde, la probabilité de vivre en situation d’insécurité alimentaire est plus élevée chez les femmes que chez les hommes. L’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) est claire : si les femmes avaient le même accès aux ressources que les hommes, le nombre de personnes souffrant de la faim dans le monde se réduirait considérablement. La raison ? Les femmes investissent prioritairement leurs revenus dans l’achat d’aliments, assurant la sécurité alimentaire de leur famille. Combler le fossé entre les hommes et les femmes constitue donc un levier central pour le développement des communautés rurales.
Pour répondre à cette problématique, l’Association pour la Promotion des Jumelages et de l’Amitié entre les Peuples (APROJUMAP), soutenue par Entraide et Fraternité depuis 2007, a lancé un nouveau projet dans les districts de Huye et Nyamagabe, au sud du pays.
APROJUMAP accompagne 530 femmes et jeunes filles paysannes cultivant du maïs, riz, ananas, soja, etc. à briser les discriminations, à obtenir une meilleure position dans leur foyer et leur communauté. Ces femmes et jeunes filles sont tout d’abord soutenues dans l’augmentation de leur production agricole grâce notamment aux techniques prônées par l’agroécologie (augmenter la fertilité des sols avec du fumier organique, irrigation des cultures grâce à la mise en place de citernes qui collectent les eaux de pluie, etc.). Mais l’agroécologie n’est pas seulement une question de nouvelles techniques agricoles, c’est aussi un modèle de société qui prône l’égalité des droits entre les hommes et les femmes.
APROJUMAP utilise dans ce cadre une méthode qui fait ses preuves depuis quelques années en Afrique dans la lutte contre les inégalités de genre : la méthode GALS (Gender Action Learning system - en français : le système d’apprentissage par l’action en matière de genre). Celle-ci permet de prendre conscience des inégalités existantes, mais également des bienfaits de la participation des femmes pour améliorer les conditions de vie de toute la famille. La méthode recourt beaucoup aux dessins afin de surmonter l’analphabétisme qui touche encore plus de la moitié des femmes au Rwanda.
GALS est déjà utilisée par ACCORD Rwanda, autre partenaire d’Entraide et Fraternité dans le pays. Et les résultats pour des dizaines de femmes sont impressionnants : « Mon père était le seul à décider de la gestion des revenus. Nous étions très pauvres. Grâce à GALS, il a accepté la proposition de ma mère d’acheter une vache qui donne beaucoup de lait et de fumier. Nous vivons beaucoup mieux aujourd’hui et ma mère a décidé d’investir l’argent pour que je puisse bénéficier de l’assurance maladie. Seuls mes frères en bénéficiaient jusque-là », témoigne Vestine Uwimana.
Des jeunes Belges parlent d’APROJUMAP
Chaque année, dans le cadre de l’opération Move with Africa organisée par La Libre Belgique en collaboration avec des ONG belges, Entraide et Fraternité accompagne une vingtaine d’élèves du secondaire supérieur d’une ou plusieurs écoles de Wallonie et de Bruxelles. Pendant une dizaine de jours, ceux-ci partagent le quotidien des communautés les plus pauvres soutenues par APROJUMAP. Ces jeunes reviennent toujours convaincus du travail mené par APROJUMAP pour sortir ces communautés de la pauvreté. « On a rencontré des personnes qui, avant, n’avaient rien et étaient isolées de la société. Grâce à APROJUMAP, elles sont aujourd’hui indépendantes et vivent sans son soutien. Elles aident même d’autres plus pauvres à vivre dignement », explique Simon. Et à Léa de compléter : « Elles vivent dans la misère et elles ont vraiment la chance d’avoir APROJUMAP qui les soutient. APROJUMAP favorise la solidarité entre tous les bénéficiaires et les tire vers le haut tout le temps. »