Le refus du président haïtien, Jovenel Moïse, de quitter le pouvoir malgré la fin de son mandat a précipité davantage le pays au bord de l’implosion.
Frédéric Thomas, chargé d’étude au CETRI et ancien chargé de partenariat Haïti au sein d’Entraide et Fraternité, a publié le 16 février deux cartes blanches afin de dénoncer une situation intolérable : « Haïti et le silence de la Belgique » dans le journal le Soir et « Ce n’est pas possible que ça continue comme ça » dans la Libre Belgique.
Comment les organisations haïtiennes peuvent-elles réagir ? Comment la société civile européenne peut relayer les revendications des organisations haïtiennes ? Ces questions feront l’objet d’un webinaire organisé par la Coordination Europe-Haïti (Co-EH) et Stop silence Haïti qui aura lieu le mercredi 3 mars 2021. Envie d’y participer ?
Malgré la fin de son mandat le 07 février 2021, Jovenel Moïse a décidé, au mépris de la loi et de la Constitution, de ne pas quitter le pouvoir. Une nouvelle manœuvre qui renforce la dérive autoritaire, rappelant l’une des périodes les plus sombres de l’histoire d’Haïti.
Cette situation a suscité une indignation profonde au sein de la société haïtienne, qui ne compte plus les attaques contre la démocratie ainsi que les nombreuses exactions commises par les autorités, avec la complicité des gangs armés qui se sont multipliés sous Jovenel Moïse.
L’église catholique d’Haïti, qui affirmait le 02 février que personne ne pouvait être au-dessus de la loi, souligne "l’extrême détresse" d’un pays "au bord de l’explosion". "Le quotidien du peuple, c’est la mort, les assassinats, l’impunité, l’insécurité. Le mécontentement est partout".
Le premier décret pris par Jovenel Moïse après le 7 février est emblématique de la dérive autoritaire : il ordonne la mise à la retraite de trois juges de la Cour de cassation. Ce décret implante également une zone franche agro-industrielle d’exportation, symbole d’un modèle de développement capitaliste qui se fait au mépris de l’agriculture locale et fait d’Haïti un des pays au monde où l’insécurité alimentaire est la plus élevée.
Une partie des terres visées par ce projet appartient pourtant à l’organisation de femmes paysannes, la SOFA (Solidarité des Femmes Haïtiennes), partenaire d’Entraide et Fraternité. La SOFA, qui cultive ces terres dans le cadre de leur ferme-école, fut déjà la cible en juillet 2020 de plusieurs attaques violentes, orchestrées notamment par l’homme d’affaires André Apaid et l’ancien Ministre de l’Agriculture, Fresner Dorcin, afin d’accaparer ces terres et faciliter ainsi l’implantation de cette zone franche qui était déjà en projet.
À plusieurs reprises, des députés écolos et socialistes ont interpelé les autorités belges sur les dérives du régime, les attaques armées contre la SOFA, organisation soutenue par la coopération belge au développement, ainsi que, plus globalement, sur la surdité de l’international à entendre les revendications des acteurs haïtiens.
Dénoncé par tous en Haïti, le président Jovenel Moïse garde de manière incompréhensible la confiance de la communauté internationale. En restant silencieux face à son maintien au pouvoir, la
communauté internationale contribue au retour de la dictature, elle est devenue complice d’un pouvoir qui engendre une grande pauvreté, la violence des gangs, l’insécurité alimentaire, etc
Le 9 mars 1983, de passage en Haïti, sous le régime dictatorial de Duvalier, le pape Jean-Paul II avait déclaré, devant une foule de fidèles : "Quelque chose doit changer ici". L’appel résonna auprès d’une population, qui avait soif de changement, et qui allait renverser la dictature trois ans plus tard.
Combien de temps sera nécessaire cette fois ? Que pouvons-nous faire pour faire respecter l’État de droit, la démocratie ?
Si vous désirez retrouver l’intégralité des deux cartes blanches de Frédéric Thomas :