En tant qu’organisation haïtienne, AFLIDEPA améliore les conditions de vie des femmes et de leurs familles en promouvant des activités tant agricoles et d’élevage que de transformation et d’artisanat et en les y formant.
Dans le nord d’Haïti, l’organisation encadre 805 paysannes. Carmelina Carracillo, responsable Service Politique à Entraide et Fraternité, s’est rendue sur place. Elle témoigne.
Elles nous attendent, à Limonade. Elles sont au moins une trentaine, assises sur des bancs disposés en cercle. Elles sont toutes sur leur trente et un, les plus âgées comme les plus jeunes. Elles nous observent, rient, chuchotent, s’interpellent entre elles. Lors de la séance, elles sont nombreuses à se lever et à prendre la parole.
Elles témoignent : « Nous sommes capables de faire de l’élevage comme les hommes. Avant, la terre, c’était seulement pour les hommes. Aujourd’hui, les femmes ont leur propre jardin potager et on peut stocker les semences pour l’avenir. (…) On aimerait informer d’autres paysannes, partager avec elles notre expérience, qu’elles comprennent la nécessité de s’organiser ensemble. » Deux jeunes filles se présentent, l’une « technicienne agricole » et l’autre « comptable maniant l’informatique », toutes deux aidées par l’organisation.
Après la séance plénière, tout le monde se dirige vers le jardin. On découvre d’abord les chèvres ou les vaches, chacune reliée à un arbre par une corde. « Pase kado », me souffle en créole une jeune paysanne à l’oreille.
« Passer cadeau », c’est l’expérience de gardiennage d’animaux domestiques mise en place par AFLIDEPA. Le principe est le suivant : chaque jeune fille/femme reçoit un animal domestique (vache, chèvre …) pour un temps déterminé durant lequel elle prend soin de l’animal dont elle garde le lait et/ou la progéniture. Au bout de ce temps, elle rend l’animal à l’organisation qui le « prête » alors à une autre personne. [1].
Les femmes apprennent ainsi le métier d’éleveuse, auparavant réservé strictement aux hommes, et retirent un revenu de la vente du lait. Cela leur permettra de payer la scolarité de leurs enfants. Pour les Haïtiennes, la priorité, c’est la scolarité de leurs enfants. Les écoles sont rares et très éloignées. De plus, chaque famille doit payer tous les frais de scolarité de ses enfants, ce qui est un énorme frein à la scolarisation.
Les femmes, jeunes et moins jeunes, détachent avec précaution l’animal qui leur revient, au milieu du chahut et des rires de celles et de ceux qui les accompagnent. « J’ai construit ma famille autour de la vache. Grâce à l’argent récolté avec le lait, je peux faire face à la sécheresse », me dit une paysanne.
Olga Marcelin, une des responsables de l’organisation, explique que si l’organisation entend mener des actions spécifiques avec les femmes, elle défend aussi des politiques de souveraineté alimentaire avec les hommes, notamment par un renforcement de la filière laitière. « Nous voulons marcher côte à côte avec les hommes et non derrière eux », dit-elle.
Malgré la quantité d’obstacles que ces femmes rencontrent et l’aggravation de leurs conditions de vie [2], le courage et les compétences de ces femmes haïtiennes de Limonade sont symbole d’espoir.
AFLIDEPA est une des vingt organisations paysannes de base du programme cofinancé par la Direction générale Coopération au développement (DGD).
[1] Ce type d’expérience s’est développé dans le nord du pays, notamment avec l’appui de la FAO et d’ONGs comme Entraide et Fraternité, Oxfam, Veterimed, Collectif Haïti de France, etc.
[2] Voir l’analyse de Carmelina Carracillo, Haïti du business ou Haïti des paysans ? et l’étude de Frédéric Thomas, L’échec humanitaire : le cas haïtien.